Enseigner de façon explicite l'orthographe lexicale

Une recherche de Daniel Daigle montre que l’enseignement des propriétés phonologiques des mots est essentiel, mais non suffisant pour permettre aux élèves d’atteindre le niveau de compétence attendu quant à la maitrise de l’orthographe lexicale.

Dans le cadre de son projet de recherche, Daigle a conçu une séquence d’entrainement à l’orthographe lexicale qui a montré des résultats concluants sur les habiletés des élèves à orthographier les mots. 
La séquence, portant sur les propriétés phonologiques et visuelles des mots, s’appuie sur une approche d’enseignement explicite, par laquelle les enfants étaient amenés à analyser des mots dont ils ne connaissaient pas l’orthographe.

La première conclusion tirée de cette étude concerne les connaissances des enseignants à propos des propriétés visuelles des mots. En effet, il semblerait qu’il y ait un manque à ce niveau chez plusieurs enseignants, qui confondent parfois « orthographe » et « vocabulaire » et qui mettent davantage de l’avant les propriétés phonologiques des mots pour enseigner l’orthographe.
Tout en rappelant que la prise en compte des propriétés phonologiques est essentielle à l’apprentissage de l’orthographe, le chercheur encourage les enseignants à varier les dispositifs d’enseignement en tenant davantage compte des propriétés visuelles des mots, car la sensibilisation des élèves à ce type de propriétés « constitue la pratique la plus efficace pour l’apprentissage de certains phénomènes orthographiques ». Au sujet des populaires listes de « mots de vocabulaire », l’auteur précise que « lorsque les mots des listes ne sont pas enseignés explicitement, on n’enseigne ni le vocabulaire ni l’orthographe ».

Une autre conclusion importante de l’étude est la confirmation de l’efficacité de l’enseignement explicite de l’orthographe lexicale. L’exposition fréquente aux mots dont les élèves doivent apprendre l’orthographe est également de mise, puisque cette « exposition à l’écrit favorise l’appropriation des propriétés visuelles de mots ».

Accéder à la recherche
Source: http://rire.ctreq.qc.ca/2016/01/orthographe-lexicale/




Et si l'orthographe déficiente provenait de la méthode de lecture ?

On observe facilement dans les classes l'enseignement du code grapho-phonétique. J'irai presque à dire que l'on voit réduit souvent la lecture à cette technique.
Par ailleurs, les enseignants se plaignent de résultats en orthographe décevants sans mettre pour autant en relation l'orthographe et l'apprentissage de lecture. Ne mettrions pas en lumière un paradoxe ?

Certains chercheurs, à contre courant de la pensée unique du moment, imaginent que la réduction trop grande de l'apprentissage de la lecture à une approche uniquement centrée sur le code (technique) serait ainsi l'explication du désastre en orthographe.

D'ailleurs, les évaluations internationales vont dans ce sens, montrant que les petits français sont de très bon décodeurs mais n'accèdent pas au sens de ce qu'ils lisent. 

C'est certainement le résultat d'un travail uniquement centré sur la voie d'assemblage, sans accompagnement d'une automatisation à mener pour utiliser la voie d'adressage permettant ainsi de diminuer le coût cognitif afin de mettre à profit ce gain pour accéder à la compréhension. 

En effet, utiliser les propriétés phonologiques des mots ne permet d’orthographier correctement qu’environ 50% des mots de la langue française.
 
Il existe en effet plusieurs façons d’écrire la plupart des sons (dans la langue française, on compte 36 phonèmes et environ 130 façons de les écrire, les graphèmes). D’autre part, les mots comportent souvent des lettres que nous n’entendons pas à l’oral.


Ce travail sur la voie d'adressage permet la mise en mémoire de l'orthographe lexicale (mémoire lexicale) que nous utilisons lorsque nous écrivons et qu'un simple regard nous permet de voir que ce que nous avons écrit ne correspond pas à ce que nous avons stocké en mémoire.

La conclusion de Daniel Daigle est: "En plus de porter sur les propriétés phonologiques, l’enseignement de l’orthographe devrait porter sur les propriétés morphologiques et visuelles des mots".

Or ces propriétés morphologiques sont capitales dans la troisième étape de la lecture que l'on nomme le stade orthographique (les trois stades étant logographique, alphabétique et donc orthographique).
 
Aussi l'enseignement de la lecture doit permettre une observation réflexive visuelle et morphologique, en plus de l'apprentissage grapho-phonétique afin de préparer au stockage lexical indispensable à l'orthographe.

Les élèves doivent rencontrer plusieurs fois un mot (dans des contextes différents) afin que l'identification se fasse de façon automatisée. C'est dans ces moments que l'enseignant doit trouver les situations qui permettent l'analyse morphologique des mots...