Sous ce titre un peu vulgaire, je vous le concède se cache un cri de colère:
pourquoi continuer à ne pas accentuer les capitales ?
et un autre: pourquoi maintenir à ce point les capitales d'imprimerie en maternelle ?
L'accent est un signe diacritique comme la cédille ou le tréma... Ces signes donnent des indications sur les mots et en facilitent l'identification.
Inès, par exemple a comme spécificité d'avoir une majuscule (comme tous les autres élèves) mais aussi un accent grave sur le E, et trois "petites" lettres derrière le "I".
Alors pourquoi s'évertuer à les utiliser (en maternelle notamment) ?
Les mots mercredi et jeudi se différencient plus facilement en minuscule:
- jeudi est le seul à avoir une lettre "qui descend en dessous"
- la syllabe "di" se repère plus facilement dans les deux mots (il y a le point sur le i et une lettre "qui monte")
- les lettres ne sont pas proportionnelles en capitale: or un "m" et un "e" ne prennent pas la même place en largeur: DIMANCHE et MERCREDI utilisent le même empan, dimanche et mercredi en minuscule n'ont pas la même taille...
On a donc sous un prétexte physique un déni de tous les signes permettant de faciliter la lecture...
Danièle Dumont sur son site Le geste d'écriture, propose plusieurs mots qui permettent de mieux comprendre:
"Comment lire UN VEAU, DE L’EAU, UN PREAU, UN FLEAU sans l’aide des accents ? Comment lire les prénoms ANAÏS, ÉLOÏSE sans leur tréma si on ne les connait pas ? "
L'accent permet alors de différencier la relation au son pour accéder au sens. De même MAIS et MAÏS ne se distinguent à l'écrit par le tréma mais sont complètement différents quant au sens...
De même l'accent circonflexe sur les lettres autres que le E, ne change pas le "son" mais le sens du mot en est fortement changé: mûr et mur, sur et sûr...
L’accent grave sur les lettres a et u ne change, quant à lui, pas le son : a/à, ou/où. En revanche il change le sens du mot (conjonction ou pronom relatif, verbe ou préposition).
On ne pourra pas se plaindre ensuite des difficultés d'orthographe que les élèves vont avoir !!!
Les signes diacritiques (accents, trémas, cédilles) doivent donc être placés sur les capitales. C’est une question de lecture, d’orthographe d’usage et d’orthographe grammaticale.
L'Académie française y va de ses préconisations:
"On ne peut que déplorer que l’usage des accents sur les majuscules soit flottant. On observe dans les textes manuscrits une tendance certaine à l’omission des accents. En typographie, parfois, certains suppriment tous les accents sur les capitales sous prétexte de modernisme, en fait pour réduire les frais de composition.
Il convient cependant d’observer qu’en français, l’accent a pleine valeur orthographique. Son absence ralentit la lecture, fait hésiter sur la prononciation, et peut même induire en erreur. Il en va de même pour le tréma et la cédille.
On veille donc, en bonne typographie, à utiliser systématiquement les capitales accentuées, y compris la préposition À, comme le font bien sûr tous les dictionnaires, à commencer par le Dictionnaire de l’Académie française, ou les grammaires, comme Le Bon Usage de Grevisse, mais aussi l’Imprimerie nationale, la Bibliothèque de la Pléiade, etc. Quant aux textes manuscrits ou dactylographiés, il est évident que leurs auteurs, dans un souci de clarté et de correction, auraient tout intérêt à suivre également cette règle".
Enfin, Eduscol dans son dossier graphisme-écriture (2015) avance ceci:
"L’écriture des initiales en majuscule cursive (ou capitale ornée) n’est pas à imposer en maternelle.
L’écriture de ces lettres en capitales romaines ou capitales d’imprimerie est suffisante à ce niveau de scolarité. Les majuscules cursives seront exigibles seulement en CE1, il est donc inutile d’en imposer le tracé".
http://eduscol.education.fr/cid91998/graphisme-ecriture.html
Pour ce qui est donc de la majuscule avant le CE1:
Doit-elle être en capitale, en majuscule calligraphique ou en cursive ?
La règle est simple:
Il convient donc de maintenir (sinon on accepte une erreur grammaticale manifeste, obstacle qu'il faudra ensuite dé-construire...) la majuscule mais en autorisant son écriture en capitale et en l'accentuant au besoin.
L'absence de majuscule est évidemment une erreur de grammaire et se conçoit facilement en primaire où les enseignants tolèrent assez rapidement que l'élève utilise les deux systèmes (cursive minuscule et capitale majuscule), beaucoup moins en maternelle, où sous prétexte de facilités praxiques, on tolère (il existe même des livres comme cela) la minuscule en début de phrase.
On s'affranchit aussi de cette difficulté un peu rapidement en ne mettant que des majuscules, privant ainsi les élèves de signes graphiques permettant l'identification des mots.
On propose alors des étiquettes, des phrases proposant une écriture qui n'existent pas sous cette forme dans la vie quotidienne et on se plaint ensuite que les élèves aient des difficultés en lecture !!!
Pédagogiquement, on met en place un support intermédiaire qui gène considérablement la tâche de lecture: on marche sur la tête.
Une contrainte physique à la base
Pour terminer, je rappelle que la contrainte des majuscules non accentuées provient des machines à écrire d'autrefois.
Il eut fallu alors autant de touches que de caractères (exemple pour le E, il existe é,è, ê,ë...), ce qui démultipliait alors le nombre de touches...
Cette contrainte est d'ailleurs caduque avec les téléphones et tablettes qui après un appuis long sur la lettre en donne tous les caractères...doublée d'une fonction prédictive qui facilite la voie directe de la lecture...mais cela est une autre histoire...